CONDUITE BALADE ETATS-UNIS
dimanche 28 juin 2009 15h
- Jardin Antoine Coignet (av. Paul Santy): station
Histoires de villes, gpe de femmes du centre social 1. 2. 3.
- Rue des roses : station
(Rencontre de Pauline, comme une habitante de la Cité des Castors, descendue de chez elle.)
Bonjour, je m’appelle Pauline, j’habite ici Cité des Castors rue des Roses.
Ca s’appelle comme ça, parce qu’ici, il paraît qu’avant, on cultivait des roses, c’était plein de roseraies il y a longtemps. C’était un quartier où il y avait des pépiniéristes, on dit. Et surtout pour les roses, des pépiniéristes de roses, des rosiéristes, voilà.
Maintenant, c’est fini : quand on construit un immeuble rue des roses, on creuse d’abord la terre avec une sonde chimique pour voir si le sol n’est pas pollué. C’est le progrès ! Et les roses attention ! ça sentait pas forcément la rose Il y a toute une histoire avec les odeurs dans ce quartier. A côté d’ici, rue Coignet, pendant longtemps, il y avait une usine qui faisait de la colle, et avec quoi ils faisaient de la colle ? Avec des os, des carcasses d’animaux… Avant de les malaxer ou d’en faire je sais pas quoi, ils les entreposaient dans la cour de l’usine, ça restait dehors en tas, des tas d’os, des bouts de carcasses, je vous dis pas l’odeur qui se dégageait de tout ça, ça puait dans tout le quartier. Et plus loin il y avait l’usine Givaudan-Lavirotte, qui fabriquait des parfums. Et bien quand ça sentait la violette dans le quartier, on disait : « Tiens, voilà le vent du midi ! » Bon, mais on se plaignait pas des odeurs à l’époque, tant qu’il y avait des usines y avait du travail, alors on se plaignait pas de la présence des usines !
Je vous ai amené un petit cadeau, voilà. Vous pouvez les disperser sur l’itinéraire ou les garder, c’est comme vous voulez…
(Elle distribue un petit sachet de pétales de roses séchées à chacun des participants)
(Mise en route, avec les MP3)
- avenue général Frère : en passant
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(En fond, la chanson d’Edith Piaf : les roses blanches…)
(à plusieurs) – Je me souviens de Lenzbourg qui faisait des confitures, de Vidéocolor qui faisait des télévisions, de Givaudan qui faisait des parfums, de Coignet qui faisait de la colle, de Berliet qui faisait des camions, de Paris-Rhône qui faisait des machines à laver, de Bronzavia qui faisait des moteurs d’avion, de Teppaz qui faisait des tourne-disques, de Photos où mon oncle, il était souffleur de verre, car on faisait des lampes chez Photos, et aussi de L’Air Liquide, Sicfond, Fantasia, SIFT, Manufrance, Rochet-Schneider, Patay, et aussi une usine de pantoufles dont je ne me souviens plus du nom et où mon beau-frère était magasinier…
(Yves Montand : « A bicyclette… »)
(Aurélien) – Je me souviens que les gens habitaient près des usines où ils travaillaient à l’époque. Parce qu’il y avait pas de tickets en ce temps-là, les patrons donnaient rien pour le transport. Alors c’était pas la peine d’aller travailler à Vaise pour gagner dix francs de plus de l’heure et en dépenser autant en déplacement.
Et puis les journées étaient longues, déjà les gens travaillaient dix heures, 55 heures par semaine, si en plus il fallait compter le transport.
Je me souviens qu’à partir de 5h30 –6 heures du matin, le quartier devenait une ruche, il n’y avait pas de voiture, tout le monde allait au travail à bicyclette. Et quand ça sortait, c’était la ruée, à Paris-Rhône, il y avait deux mille personnes, alors vous voyez…
- Devant le local CGT / Maison du peuple : en passant
(Chanson militante)
( Aurélien) – Je me souviens des grèves qu’étaient pas des grèves où on mange des merguez et où on fait la fête. Ca, c’étaient des grèves, ce qu’on appelle dures, des grèves dures.
(Sébastien) – En mai 68, ça a beaucoup bougé dans les usines du quartier, Paris-Rhône, Lenzbourg, Berliet, c’étaient des occupations, on mettait les drapeaux, et il y avait les étudiants qui venaient devant les usines pour dire aux ouvriers « Venez avec nous ! » Et en fait les ouvriers, ils disaient « Bah, on sait ce qu’on a à faire quand même ! » parce que les ouvriers, eux, avec leurs syndicats, et du point de vue politique, ils avaient cette notion de classe ouvrière, donc « on est ceux qui luttons, et qu’est-ce que c’est que ces étudiants qui viennent nous expliquer qu’il faut mener la lutte, qu’il faut faire ceci, cela, alors qu’ils feraient mieux de nous écouter » En plus leur formule-là, « Il est interdit d’interdire », ça choquait quoi. Alors que dans les usines c’était beaucoup plus discipliné, c’était obligé, parce qu’il y avait un patronat, l’action syndicale, même si elle est dure, faut qu’elle soit disciplinée. Et alors en plus, les ouvriers qui occupaient les usines dans tous les coins, tenaient à défendre leur outil de travail. Ca veut dire qu’on vienne pas de l’extérieur l’abîmer… On occupe l’usine, mais on la casse pas. Ca c’était un truc très fort
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- Devant le foyer ARALIS / Cada: station
(Rencontre de Leti et de résidents du CADA. Leti donne à chaque participant une feuille de papier où est écrit le texte plus bas. Elle leur dit un mot en même temps qu’elle le leur donne)
En Albanie : LINDIE
En Algérie : ZIADA
Au Burkina-Faso : TOGO UM
En Guinée : GUIBINANDE
Au Vietnam : SHE SAN
En Turquie : DOGUM
En Corée : CH’ULSSAN
En Roumanie : NASTERE
En Arménie :
En Chine :
En Russie : ROJDENIE
Au Sénégal : JUDDI (wolof)
Au Kazakhstan : TOUOU
En Bulgarie : RAJDAM
Au Bangla-Desh : DJONNO
Au Congo : BOTANA
En Gambie : WULUO (mandinka)
C’est le mot naissance ou naître, dans les différentes langues qui se parlent ici dans ce foyer.
(lecture à plusieurs, chaque participant lit la phrase surlignée )
Je ne suis pas née ici.
Dans mon pays, je pensais beaucoup de choses sur la France.
Quand je suis rentrée ici, c’était pas la même chose.
Quand je suis arrivée ici j’ai été à l’armée du Salut,
il y avait beaucoup de femmes qui avaient des problèmes, des gens drogués,
je pleurais chaque matin, chaque soir,
et après trois, quatre mois j’ai été au foyer, ici, à ARALIS (Association Rhône-Alpes pour le Logement et l’Insertion sociale)
où je suis toujours aujourd’hui, ça fait cinq ans,
je peux pas dire que je suis bien en France.
Dans quelques années si j’ai un peu travaillé avec mon mari peut-être que je pourrai retourner dans mon pays.
Je pleure chaque jour, j’ai beaucoup de rides, j’ai les cheveux blancs,
je peux pas dire que c’est une nouvelle naissance ici.
Je voudrais pas que mes enfants, ils grandissent ici.
Avec mes enfants, je parle dans ma langue, ils me comprennent,
mais ils me répondent en français.
Ca fait cinq ans que je suis ici, en France,
mes enfants ils sont nés ici,
j’ai une fille qui s’appelle ERA,
ça veut dire le vent.
Dans mon pays, tous les vents s’appellent ERA.
Prise de parole des résidents du CADA ( ?)
- av gal Frère : en passant
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(Bruits d’avion en piqué, puis bruits de mer)
( à plusieurs) – S’il y avait la mer dans le quartier, où voudriez-vous que soit la plage ?
A l’ouest, pour profiter des beaux couchers de soleil
A la place du boulevard périphérique
A mes pieds
A la sortie de l’Hôpital Grange Blanche
Je ne voudrais pas, j’aime pas la mer
En bas des escaliers du théâtre
A deux pas de chez moi
A côté de mon bar-buvette
Sur la place du Marché
Il suffirait de creuser jusqu’à la nappe phréatique en-dessous du quartier pour faire venir la mer, et, s’il n’y a pas de nappe phréatique, la seule solution c’est de retourner la planète. Diamétralement opposé au quartier, de l’autre côté de la croûte terrestre, il y a forcément un endroit qui ressemble à une plage…
(Laetitia) – Je me souviens qu’on partait pas en vacances quand on était petit, alors quand on nous demandait, on disait qu’on allait à Etats-Unis Plage.
(Musique orientale ou bien Lily Boniche…)
(Sébastien) – Quand je suis arrivé d’Algérie dans le quartier, en 1962-63, j’ai cherché du travail. Il y avait une usine qui s’appelait Sicfond, je rentre là-bas dedans, y avait un type, il a regardé mes papiers, il m’a demandé ce que je faisais, j’ai dit j’ai travaillé dans un restaurant, vous avez jamais travaillé dans une fonderie, j’ai dit non, ah, il me dit c’est que nous on a du travail mais si vous avez jamais travaillé dans une fonderie, j’ai dit Ecoutez, Monsieur, je suis venu d’Algérie jusque là, j’ai fait 1500km, c’est pour gagner un petit bout de pain, maintenant si vous avez du travail ça va, sinon rendez-moi mes papiers. Il m’a dit attendez, il est allé chercher quelqu’un, il revient avec un autre type, c’était le directeur, on m’a dit, il me dit on va vous prendre à l’essai, si ça marche, y a pas de raisons qu’on vous garde pas, si ça marche pas on vous paie les jours où vous avez travaillé et on se quitte gentiment. Je dis ouais, et je suis resté depuis 63. Jusqu’en 99.
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(Parcours en aveugle par moitié de groupe 2×3’)
- rue Maryse Bastié : station
(Leti et Sébastien apparaissent en vélos avec des ailes d’ anges)
Les Américains bombardent les Etats-Unis (Leti)
Les Américains libèrent les Etats-Unis (Seb)
- av Jean Mermoz : station
cabine téléphonique (anagramme)
- Place du Bachut / devant la maison de la Danse : station
(Réapparition de Pauline)
Bienvenue au Théâtre du 8e… Est-ce que vous savez que là où on a construit la mairie et le théâtre et la mairie, juste derrière, ça s’appelait avant la Terre des Roses ? La mairie, c’est toujours la terre des roses si vous voulez mais dans un autre sens…
Donc la terre des Roses et devenu le Théâtre du 8e qui est devenu la Maison de la Danse.
Donc, bienvenue à la maison de la Danse. Il paraît qu’aujourd’hui, beaucoup de gens qui veulent aller au nouveau Théâtre du 8e viennent ici. Sauf que le nouveau Théâtre du 8e, c’est pas du tout là, pour ceux qui connaissent pas, ils verront où c’est, puisque c’est là que se termine la balade. Enfin, tous les spectateurs égarés, ça fait un peu plus de public pour la Maison de la Danse…
(Vincent)
Le….bâtiment a été inauguré le 20 octobre 1966 en même temps que la mairie qui est derrière. Il y a un souterrain qui lie les deux bâtiments. Tout un symbole ! le théâtre à côté de la mairie, c’est comme dans l’Antiquité, quand le théâtre voisinait avec le lieu du pouvoir, comme son envers ou son complément, enfin, c’est comme vous voulez… ca dépend de la manière de faire du théâtre ou de faire de la politique.
Quoi qu’il en soit, l’histoire de ce théâtre avait plutôt bien commencé. Ou mal, ça dépend justement de quel point de vue on se place, du côté du pouvoir ou du côté du théâtre…
Un des premiers spectacles programmés ici, en 1968, c’était la Poupée, une pièce de Jacques Audiberti, mise en scène par Marcel Maréchal, le premier Directeur du Théâtre du 8e . Et le rôle principal, la Poupée, était jouée par une stripteaseuse bien connue à l’époque, Rita Renoir. Elle était aussi actrice, elle avait même joué dans un film de Michelangelo Antonioni, Le Désert Rouge… Bref, Rita Renoir, à un moment dans le spectacle, elle était nue, vraiment nue… bon, maintenant, ça choquerait plus, mais en 1968 , pourtant juste après le mois de mai, eh bien ça a fait scandale. Et le maire de Lyon de l’époque, Louis Pradel, connu sous le nom de Zizi le bétonneur, a failli fermer le théâtre. Mais les gens du quartier et de la ville se sont battus et le théâtre a résisté à la menace et aux campagnes de presse diffamatoires…
(Pauline)
Il arriva qu’une nuit un rêve unique visitât le sommeil d’hommes différents le même rêve pour tous ces hommes
Ils poursuivaient une femme qui leur échappait sans cesse
Elle était nue elle se dérobait
Jamais ne se présentait de face
Ils couraient après elle la perdaient toujours
A leur réveil ils se racontèrent leurs voyages
Pour mieux se souvenir ils s’efforçaient de reconstruire dans l’espace la course de leurs rêves
Aucun n’avait vu la femme au même endroit tous avaient couru dans des sens différents leurs parcours souvent s’entrecroisaient
Ils décidèrent de fermer l’espace élevèrent un mur partout où ils avaient perdu la trace de la fugitive
Elle ne pourrait plus leur échapper croyaient-ils
Le territoire où ils avaient enceint le labyrinthe de leur rêve ils pensaient que ce serait un théâtre hanté
Où le fantôme de la femme se montrerait les soirs de spectacle
Mais ce lieu n’était pas un théâtre c’était une ville leur ville ils ne le savaient pas encore
Et jamais la femme ne réapparût.
- Rue Emile Combes / rue du Bocage : en passant
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(On entend la fin de l’histoire de la femme nue. Couvert bientôt par les bruits d’oiseaux.)
(Pauline) – Un jour il y eut une femme nue sur la scène du théâtre
Quelques citoyens firent part de leur émotion dans les journaux de la ville
Le théâtre fut menacé de fermeture
Peut-être aurait-il bien fermé si un plus grand nombre d’habitants n’avaient pris publiquement la défense des artistes
Il y eut des pétitions des manifestations des occupations
Et finalement beaucoup d’autres femmes nues sur la scène du théâtre
Plusieurs années s’écoulèrent
On annonça l’ouverture d’un nouveau théâtre
Quelques habitants se souvinrent de l’ancien qui avait fini par disparaître dans l’indifférence générale
Ils demandèrent aux artistes
Et la femme nue où est-elle passée depuis tout ce temps qu’avez-vous fait d’elle ?
Rendez-vous fut donné sur la scène du nouveau théâtre
Là seulement serait trouvé le mot de l’énigme
Donc au début le théâtre non la ville non des humains rassemblés un humain raconte différent des autres qui l’écoutent puisqu’il a le don le droit le plaisir de la parole qui seule fait se rassembler s’attrouper…
Je me souviens au début c’était en haut d’une montagne ou près d’un arbre foudroyé ou dans un cirque de pierre maintenant c’est partout de quoi faire une scène une cour ou un jardin entre les cours et les jardins une maison une rue un souterrain une terrasse d’abord un espace vide que quelqu’un traverse pendant que les autres l’observent
Là où quelqu’un raconte c’est-à-dire parle chante joue une histoire la sienne ou la leur ou une autre encore qu’il prend pour la sienne une où ils croient entendre la leur avec….
(Vincent ) – Je me souviens des maisons de la rue Emile Combes qui ont toutes des jardins avec des puits et celle du n° 34 rue Emile Combes, elle a même un lavoir.
( Laetitia) – Je me souviens qu’elles ont été construites dans les années 1903-1904, une quarantaine de maisons, toutes par des architectes différents, et qu’elles sont ornées de ferronneries, verreries, marbreries, céramiques
(Baptiste) – Je me souviens que rue Emile Combes il y avait un docteur qui aimait l’alcool, la chasse et les chevaux, et qui arrivait parfois dans la salle d’attente en pointant son fusil : « Qui est le plus malade ici ? Qu’on en finisse ! »
(Vincent)) – Je me souviens de la maison du consul du Honduras rue Emile Combes où il n’y avait jamais personne . Je me souviens qu’on allait dans le jardin manger les cerises du Honduras, on disait.
(Aurélien)- Je me souviens des jardins ouvriers, qu’étaient pas dans le genre cottage à l’anglaise ou cité-jardin comme rue Emile Combes, non, aujourd’hui, des jardins ouvriers, il y en a presque plus dans le quartier. Mais avant du côté de la rue du poète, là, comment s’appelait-il donc ?
(Vincent ) – Jean Sarrazin.
(Aurélien) – Ah oui, du côté de la rue Jean Sarrazin, il y avait entre 150 et 200 parcelles, donc entre 150 et 200 familles qui avaient un jardin. Les gens cotisaient , pour faire venir l’eau dans les jardins, il ya avait des tuyaux, et des tonneaux avec des robinets pour brancher des jets d’eau. Ca leur faisait un lieu de sortie, aux gens, ils amenaient leur pique nique le soir, ils cassaient la croûte au grand air, au soleil ou à l’ombre de leur cabane, puisque chaque jardin avait sa petite cabane. Chacun la construisait en fonction de ses possibilités et de ses besoins, y avait des potagers, des massifs de fleurs
des arbres fruitiers , je me souviens de pêches, les trois faisaient le kilo, quand on mordait dedans, on n’arrivait pas à trouver le noyau…
(Vincent) – Je me souviens de la rue Xavier Privas . A Paris on l’appelait « le prince des chansonniers » à la Belle Epoque, il se produisait au Chat Noir et au Procope.
(Baptiste) – Je me souviens de la rue du Bocage. Son nom lui vient de quand la ville était campagne, comme si on avait voulu rappeler que partout ici, il y avait des prés, des champs, des jardins… Et pendant longtemps rue du Bocage, il y a eu un cinéma, le cinéma Le Bocage.
(Laetitia)- Je me souviens des cinémas de quartier qui ont disparu : le Bocage aux Etats-Unis, le Kursal au grand Trou, et le Moulin Rouge dans la petite Guille. Tous disparus. Sauf le Moulin Rouge qui a été reconverti en dancing et s’appelle Le New Hollywood…
(Baptiste) – Au cinéma Le Bocage, on se rendait à pied, c’était une fête. Y avait une sonnerie qui attirait l’attention mais c’était pas du luxe, ce cinéma ! Il y avait des banquettes en bois, et des espèces de baignoires, à l’arrière, un peu plus riches, avec une sorte de velours sur les sièges rabattables. Dans les années 1943 et 1944, sous l’Occupation, je me souviens qu’ ils avaient lancé des films de propagande contre les organisations du maquis. Alors je peux vous dire que dans le quartier, il y avait pas mal de résistants, FTP, Armée secrète… Et alors dans ces films, c’était des histoires tartignolles, dans le genre « le pauvre garçon détourné de sa voie d’apprentissage par des vilains qui vont l’emmener dans le maquis et gnangnangnan… » Et alors à la fin, dans la salle, ça finissait en chahut, en rigolades. A chaque fois qu’ y avait un gendarme français à l’image, les gens faisaient « HOUOUOU !, c’était imbuvable leurs films. Du coup ils avaient fini par mettre des gars pour surveiller et ils laissaient la lumière. Mais avec ou sans lumière, ça gueulait toujours autant. Alors à la fin, y en avait moins, de ces films … »
- rue Joseph Chapelle : station puis en passant
(Bruits de vieux films français sur les cinémas du quartier, chahut… )
(Baptiste) – Le cinéma Le Bocage était en face d’un garage qui était utilisé par la Milice et par la Gestapo. Le 17 août 44, il y a eu une action des résistants dans ce garage. Deux policiers allemands ont été tués. En représailles, la milice a pris cinq gars à la prison Montluc, et ils sont venus les tuer à coups de mitraillette devant le garage. Mon frère a assisté à tout, il avait son cours de violon pas loin, avec le prof, ils se sont arrêtés, et par la fenêtre, ils ont tout vu. Et puis les corps sont restés toute la journée en plein soleil.
(Laetitia)) – Je me rappelle, je traînais dans le quartier à ce moment-là, une femme en vélo, une femme est venue vers moi en vélo en me disant : « jeune, foutez le camp, ils sont en train de tuer ! » Et nous, on est allé voir ça, on a vu les corps par terre. Ca m’a beaucoup choquée parce que j’avais quatorze ans. C’est des choses qui vous marquent longtemps.
(Pauline répand un sac de roses séchées sur le trottoir)
(Baptiste) – Sur les cinq otages mitraillés, y en a qu’un seul qui a pu être identifié. Il s’appelait René Venturini. Il avait dix huit ans, il était employé dans un atelier de maroquinerie, il avait organisé une filière d’hébergement pour les employés juifs de l’atelier. Puis il a rejoint le maquis dans les rangs des FTPF, les Francs Tireurs Partisans Français . Une semaine avant son assassinat, René Venturini était arrêté rue Marietton à Vaise dans le cadre d’un guet-apens mis en place par la Gestapo. Il avait un revolver sur lui, il a été emmené à Montluc. Maintenant il y a une rue à son nom à Saint Didier au Mont d’Or.
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- rue Wakatsuki : station puis en passant
(Vincent) – Je me souviens que je me suis battu pour que , sur ma carte d’identité, sur mon passeport, sur mes chéquiers, apparaisse la rue Fukujiro Wakatsuki, ancien consul du Japon à Lyon, homme de lettres, c’est la rue où j’ai choisi d’habiter aux Etats-Unis
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(Laetitia) – Je me souviens de la ville vieillissante en ses murs ridés de larges fissures la peau couverte d’écailles sur les façades suintant d’écoulements brunâtres mamelonnés de tumeurs infectieuses
(Baptiste) – Et le diagnostic des politiques et docteurs urbanistes appelant à agir le plus vite possible pour sauver la ville ne fallait-il pas détruire ses parties gangrenées et rebâtir de l’entièrement neuf moderne hygiénique
(Aurélien) – Et la révolte filiale des habitants enfants et petits enfants des habitants rêveurs fils et filles de rêveurs non la ville leur ville devait être soignée en douceur le mal n’était qu’en surface il fallait ranimer le sein qui avait nourri des générations d’habitants du lait de la solidarité humaine Il fallait donner une nouvelle jeunesse aux vieux murs qui abritaient la quête toujours recommencée du bonheur terrestre
(Pauline))- Comme leurs pétitions manifestations occupations restaient sans effet et que la démolition devenait imminente ils eurent l’idée de faire appel à des artistes
(Baptiste) – Voici que les immeubles dégradés s’orneraient de fresques géantes sur leurs tranches noires et aveugles elles donneraient à voir la ville telle qu’en son rêve les murs seraient les miroirs colorés de la cité idéale plus personne ne pourrait détruire des édifices placés sous la protection d’œuvres d’art
( Laetitia) – C’était affaire d’imagination généreuse et de haute stratégie
(Sébastien) – Les artistes persuadèrent les habitants de ne pas révéler eux-mêmes leur projet aux politiques et docteurs urbanistes nous nous en chargeons dirent-ils et ils allèrent exposer en haut lieu leurs idées d’artistes
(Vincent) – Génial fut la réponse des sphères dirigeantes génial votre projet c’est notre vision mais notre idée géniale de vos fresques est sans espoir hélas hélas ceux d’en bas les habitants ne seront pas d’accord l’art n’est pas vraiment leur affaire croyez-nous ils ne comprendront pas ils n’aspirent qu’à jouir d’un logis économique et confortable non le génie de nos fresques serait mieux à sa place sur les murs de nos propres demeures dans cette partie saine de la ville réservée aux habitants qui ont le niveau culturel idoine
(Sebastien) – A quoi les artistes s’empressèrent de répondre cette idée géniale revient aux habitants d’en bas eux seuls ont imaginé que nos fresques pourraient sauver leurs logis économiques et confortables c’est eux seuls qui ont sollicité notre art pour défendre leurs droits et aussi leurs rêves.
(Pauline) – Des artistes de tous les pays arrivèrent chez les habitants ceux d’en bas et se mirent au travail. Il y eut en tout vingt quatre fresques vingt quatre images de la cité idéale. L’éclat des peintures tranchait à ce point avec l’état dégradé des immeubles qu’aux yeux de tous leur restauration se révéla urgente et nécessaire
La ville devint ici un musée ouvert. L’utopie d’une vie meilleure s’y affichait un jour entier d’images sur les murs des immeubles.
(Baptiste) – Moi je rêve d’une ville où les habitants peuvent passer partout comme des faisceaux de lumière. Quand il faut franchir un trou très petit, on se dissout, on passe dans le trou et après on se rassemble.
(Laetitia) – Il ya aura des maisons grandes et petites, comme les gens : petits et grands. Elles seront de toutes les couleurs. Beaucoup d’arbres, de jardins. Tout sera mélangé. Et pas de peur : les enfants iront où ils voudront, les parents seront tranquilles, les gens seront toujours joyeux. On pourra toujours compter sur son voisin. Pour sortir il ne sera pas nécessaire de prendre sa voiture ou le métro en suivant des itinéraires obligés. Il suffira de passer d’une maison à une autre pour arriver où l’on veut.
(Pauline) – Il ya une ville où moi, je ne pourrais pas habiter : ce serait une ville où il n’y aurait pas de bâtiment assez grand pour accueillir les concerts de mon chanteur préféré. Ici, je vais le voir chaque fois qu’il passe, je ne le loupe jamais, c’est mon chéri d’amour. Même si je suis trop vieille pour lui, surtout que maintenant il les prend au berceau, bof, s’il est heureux comme ça.
(Vincent) – Il y a une ville, avec une grande halle qui servait de halle à bestiaux. Les bouchers des abattoirs venaient choisir les bêtes, maintenant, c’est là, dans cette halle, que des animateurs de la télé viennent sélectionner les futurs participants de la Star Ac…
(Aurélien) – Je me souviens qu’ à l’adresse de la rue Theodore Levigne, peintre né à Noirétable, personne n’habite.
(Laetitia) – Il y a aura une ville avec au centre un immense tapis qu’on déroulera les jours de mariage. On pourra s’y réunir pour se reposer et manger autour de petites tables à l’ancienne. Ce tapis sera orné de dessins qui feront penser à des peintures rupestres en noir et blanc, comme celles que l’on trouve dans les montagnes du tassili dans le Hoggar au sahara : il y a des milliers d’années, des personnes qui ne savaient pas lire et écrire avaient représenté, à même la roche de leurs habitations, le travail, la fête, lez mariage.
(Sebastien) – C’est une ville avec quatre valeurs symboles : la gaieté, le danger, l’amour et la pureté. La gaieté, c’est une femme qui joue du violon, et des funambules, le danger, un serpent, l’amour, le soleil embrassant la lune, et la pureté, un ange. Dans la plupart des villes la gaieté est masquée, l’amour est rare, la pureté, un rêve. Mais le danger, il ya en a partout. Est-ce qu’il existe une ville sans danger ?
(Aurelien) – Dans la ville de mes rêves, il y aura trois tours et l’on pourra voir à travers. Rien ne sera enfermé. On verra toujours le ciel derrière. Il y aura un œil au milieu qui regardera tout le monde, et une oreille qui pourra espionner. J’habiterai au milieu de l’une des tours, à mi-hauteur. Assez haut pour ne pas toucher le sol. Mais pas trop pour ne pas se sentir au ciel.
X fin plage 4
- angle rue Wakatsuki / Rue Jean Sarrazin : station puis en passant
- rue Rochambeau puis rue Cdt Pegout : en pasasnt
X ouverture plage 5
Texte de Tarkos sur le trou (Vincent)
puis chanson M. Leforestier
X fin plage 5
- Nouveau Théâtre du 8e : point d’arrivée
Sur les escaliers du théâtre :
Histoires de villes, gpe de femmes du centre social 4. et 5.
Les heures par Seb, Leti, Pauline, Vincent